Anamnèse du patient
J est une jeune fille métisse, en classe d’ULIS et suivie par un SESSAD depuis 2013. Nous n’avons pas d’informations sur son parcours antérieur. Elle est née d’une union entre Monsieur, d’origine française, ancien gendarme, ayant séjourné à plusieurs reprises dans les îles Françaises, notamment la Réunion et la Martinique, et Madame, d’origine Sénégalaise, coiffeuse dans un salon afro. J. a deux grands frères, entrés dans la vie active aujourd’hui. J. semble avoir des difficultés relationnelles avec l’un d’eux à l’époque de la prescription, celle-ci étant emprunte d’agressivité. La famille m’est décrite par la psychologue du SESSAD comme étant atypique. Un foyer dans lequel on communique peu. Chacun vit sa vie, pas de repas de famille au quotidien… on vit les uns à côté des autres mais jamais vraiment ensemble. J semble cependant avoir une relation privilégiée avec son père qui explique avoir eu « les mêmes soucis » que sa fille lorsqu’il était jeune. En effet, J semble souffrir de difficultés relationnelles massives. Elle est solitaire à la maison comme au collège ou au SESSAD. En entretien psychologique, elle éprouve des difficultés à répondre à des questions, ou y répond après un grand temps de latence. Elle peut se mordre l’intérieur des joues lorsqu’elle a envie de rire ou de sourire. Cette jeune fille m’est présentée comme étant très inhibée, elle semble présenter des traits autistiques dont le diagnostic n’a jamais été posé pour le moment.
Les prises en charge en musicothérapie
Modalités de prises en charge
L’expression de J. semblant la mettre en réelle difficulté, l’équipe du SESSAD souhaite mettre en place une thérapie à médiation. J. n’est pas particulièrement attirée par la musique, cependant la perspective de passer par le sonore et le Non Verbal peut être une alternative intéressante lui permettant de s’exprimer davantage.
Nous mettons donc en place cette prise en charge le 14/09/2015, elle a alors 15 ans.
Objectifs de la prise en charge
Lors de ma séance d’évaluation préalable de prise en charge en musicothérapie, J. me semble enthousiaste, impatiente, elle sourit (en se mordant les joues), sans doute inquiète de cette nouvelle relation qui lui est imposée. Je ne l’envahis pas de questions qui la mettraient encore plus en difficulté, je lui propose de rejoindre le tapis sans tarder, et de s’asseoir. Nos premiers échanges sur les bongos vont alors être guidés par des consignes courtes, sécurisant ce nouveau cadre. J. n’a pas de problème de compréhension. Elle répond à mes sollicitations instrumentales, vocales (je note une utilisation très archaïque de la voix, l’utilisation de sons rauques, gutturaux…). Le corps se met en mouvement spontanément, J. se dandine, se balance au rythme de notre musique. Les nuances sont perçues et elle adapte son jeu au mien, j’adapte mon jeu au sien. Le silence est absent, et l’expression dense va générer une certaine excitation que l’on peut qualifier de décharge émotionnelle. Je note une manière assez violente de jouer et frapper sur l’instrument. Nos premiers échanges sont riches, le regard est très présent, le sourire également. L’ouverture me semble tout à fait possible avec cette jeune fille, tant la diversité des interventions est grande.
L’espace de liberté et de création proposé semble convenir à J. en lui offrant un potentiel « espace de contact » contenant, et rejouant la construction primaire de l’espace psychique et de la pensée infantile à travers le lien du corps et de la relation.
Comment la rencontre avec l’objet peut permettre la rencontre progressive avec soi-même ?